5000e message… ça se fête !
Pour l’occasion, un inédit de la série « Jusque l’infini et au-delà !».

D’accord, je suis un peu en retard. D’accord, il n’y a pas de résumé des épisodes précédents. D’accord il n’y a pas beaucoup de photos, mais bon… une navigation à lire alors que la tempête s’approche de cette pointe bretonne qui fut si douce, si belle, et dont le souvenir berce encore mes rêves.
Episode 11 — Un jour au paradis : la lune avait rendez-vous avec...Avec l'océan, je retrouve les grands espaces et le bleu. Le bleu du ciel, le bleu de la mer, entre lesquels, par petites touches, on perçoit encore l’odeur chaude de la terre. Le parfum des arbres, si généreux tout à l'heure, laisse rapidement la place à cette délicieuse senteur iodée qui vient du large et qui nous aspire.
Ce soir, j'ai prévu de dormir à Port Haliguen.
Le plan est simple : je vais suivre la côte, en ligne droite, à cinq ou six nautiques de distance, jusque Quiberon.
Je ne vais pas vous le cacher. La navigation promet d'être pénible. Il fait chaud, très chaud en cette fin d'après-midi bretonne et ce n’est clairement pas un temps à rester dehors. Même le vent, d’habitude si joueur, a renoncé à l'idée de soulever les vagues. La mer est à peine ridée. C’est déjà trop.
Seule la visibilité est parfaite : suffisante pour pouvoir prendre ces nombreuses voiles blanches pour de lointains phares éphémères, et suffisamment réduite pour dissimuler, derrière un léger voile, les terres lointaines, prêtant à cette navigation côtière l'illusion d'une grande traversée.
Après la sortie de l'anse de Bénodet, en suivant cette fois-ci le bon alignement au 165 sur trois nautiques, ce sera tout droit au cap 121 cette fois-ci sur un peu plus de quarante-sept nautiques, jusqu'à rejoindre le premier alignement du passage de la Teignousse. Nous passerons donc au nord de l'île aux Moutons et de l'archipel des Glénan en laissant la Jaune de Glénan sur tribord. Groix sera très largement débordée par le sud, pour éviter les mauvaises rencontres avec les korrigans, et toujours tout droit, nous passerons au nord du plateau des Birvideaux.
Au bout de cette ligne droite, car même les lignes droites de plus de 45 nautiques ont une fin, entre la presqu'île et Belle-Île, ce sera un virage à gauche pour emprunter le fameux passage de la Teignousse, bien connu des futurs hauturiers, pour traverser cette chaussée mal pavée qui, de Quiberon à Hoëdic, a dû être le témoin de l’écrasement de quelques crabes. Le phare de la Teignousse passé, un nouveau virage à gauche, sur une route au 300, dans le secteur blanc du phare de Port Haliguen. Et ce sera fini pour aujourd'hui.
Au total, cinquante-huit nautiques. À vingt-deux nœuds environ, cela fait cent vingt litres d'essence et un peu moins de trois heures de navigation en tenant compte des arrêts fraîcheurs et de la vitesse réduite à proximité des cailloux.
Je n'ai toujours pas de cartographie de la zone sur mon traceur. Groix comme Belle-Île ou Quiberon sont de vulgaires polygones grossièrement dessinés, jaunes délavés sur un bleu artificiel. Pour mon plus grand bonheur, je n'ai pas d'autre choix que de me fier à mon compas, à ma montre et à mes yeux. J'ai bien sûr les cartes papier, et sur mon iPad les cartes raster du SHOM, sans oublier TZ qui enregistrera patiemment ma navigation, comme un galérien, en fond de cale.
17 heures 19. Je passe à proximité de la latérale Basse Rousse qui marque la fin du chenal de Bénodet, et j'accélère jusque vingt-et-un nœuds. Je me permets de quitter légèrement l'alignement des phares de Bénodet en direction de la tourelle Men Dehou que je devine au loin. À cette allure, mon prochain point tournant est dans huit minutes. Je regarde ma montre. Il est 17 heures 19. J'attends, un œil sur le compas, l'autre sur la montre qu'il soit 17 heures 27 pour prendre ce cap 121. Ça y est, il est 27, le phare de Langoz est à peu près trente degrés en arrière du travers, je tourne à gauche sur le cap 121 en direction de la Teignousse, au loin, en laissant Men Dehou sur... la droite et au sud, comme c’est écrit dessus. Prochain point : la Jaune de Glénan dans une demi-heure. C’est parti pour plus de deux heures de ligne droite !
C'est étrange comme, dans l’immensité de l'océan, j'ai perdu cette sensation de solitude qui m'accompagnait sur l'Odet. Est-ce parce que sur l’Odet, au contraire de l’océan, entre l’horizon et moi il n’y avait personne ? Ou bien est-ce à cause de l’appel, sur le 16, de ce voilier en panne de vent qui demande un remorquage pour pouvoir attraper son train, comme on demanderait l'heure à un passant dans la rue ?
Devant moi, c’est l'île aux Moutons qui approche : d'abord ce petit trait brun caractéristique des côtes qui se tiennent encore à distance. Et puis soudain, paf ! l'île émerge et on distingue un phare, une cheminée, une falaise, une plage. L'île se prolonge au sud-est par deux îlots rocheux, et derrière, à gauche comme à droite, ce sont les Glénan, avec leur multitude de voiles blanches venues profiter des eaux turquoises.
Je sens bien que Kalango aimerait aussi s'y baigner, moi aussi d’ailleurs. Mais non. La route est droite et elle est devant nous. Cap 121. Tout en restant concentré sur le compas, mes pensées vagabondent. Je repense aux deux heures passées sur les eaux paisibles de l'Odet. Et paf ! ressortent alors de ma mémoire, comme l’île aux Moutons de la brume il y a quelques instants, quelques vers anciens travestis pour l’occasion :
Sous le pont de Cornouaille
Coule l’Odet…
Barre au 121, je répète ces quelques mots, qui sonnent plutôt bien, me semble-t-il :
Sous le pont de Cornouaille
Coule l’Odet...
pendant que Kalango plane sur cette eau de plus en plus lisse. Vingt-deux nœuds, parfois vingt-trois. Il est 17 heures 56. J'arrive sur le plateau de la Basse Jaune. Penfrat est encore accrochée à mon sillage quand devant moi apparaît la nonchalance de l'aileron d'un dauphin solitaire. Je réduis, le dauphin m'accompagne, s'éloigne, revient, et finit par disparaître. C'est vraiment surprenant cette relation avec un dauphin. Il vient jouer avec vous. Il vous donne l'impression de vouloir vous emmener avec lui là où il va, de vouloir partager son histoire, sa vie. Je me surprends à l'appeler en faisant quelques clics avec la langue. Souvenirs de Flipper le dauphin, peut-être, ou réflexe inné provenant d'un temps où les hominoïdes étaient encore proches des delphinidæ ? J'attends. Il faudra que je retravaille mes clics, car il ne reviendra pas.
Je reprends alors ma navigation. Cap 121. Vingt-deux nœuds.
Cette rencontre, ce bonheur fugace s'ajoute aux émotions de la journée et lui donne un relief tout particulier.
Je passe la cardinale Jaune Glénan. Il est 18 heures deux, soit l'heure de passage prévue... compte tenu de la rencontre avec le dauphin. Toujours cap au 121, prochain point, travers sud de Pen Men à l'extrémité de Groix. Treize nautiques, un peu moins de quarante minutes.
Penfrat disparaît finalement derrière moi. Je regarde mon compas, trouvant là un bout de nuage, là une voile distante pour y accrocher ma route. Et en même temps, je scrute méthodiquement la surface de l'eau à la recherche un indice qui me permettrait de retrouver mon compagnon de route. 121 degrés... Se tenir à 121 degrés. Je me suis déjà fait avoir en quittant Port-Joinville avant-hier : ne pas laisser l'euphorie de cette rencontre rare m'écarter de la route tracée. 121 degrés, ni plus, ni moins. Mettre la ligne de foi du compas juste à gauche du trait du 120.
Ça peut sembler absurde de vouloir suivre aussi précisément un cap quand suivre un cap moyen suffit au voyage. Je ne veux pas céder à quelque forme de complaisance; cette ligne droite, je la veux, je la conçois comme une oeuvre d’art éphémère; une œuvre connue de moi seul, comme une performance d’artiste en manque d’inspiration qui s’engagerait pour dénoncer un monde qui aurait perdu le nord depuis longtemps.
Je tiens le troisième vers.
Sous le pont de Cornouaille
Coule l’Odet
Et nos amours
Ce n’est pas très original puisque c’est le vers original. Ça sonne pas mal. Mais ça ne va pas. Je naviguais sans ma mousse sur l'Odet; elle ne comprendrait pas cette licence poétique... Alors je convoque Prévert pour établir la liste des remplaçants possibles. Bateau, moteur, poupe, carène, pare-bat, amarres, coque, cœur, bonheur, voyages, cap (121), sillage, souvenirs, bouts, nav, cartes, âme, paradis, ange, paix, insouciance, sagesse, ataraxie, ...
Et nos étraves...
Bof ! à part pour Xavier ou Michel, nos étraves qui coulent sous un pont, ce n'est quand même pas bien réjouissant. Allez ! 121 degrés. On verra plus tard...
Et déjà au loin, j'aperçois Groix. Une ligne sombre qui s'étire exagérément vers le ciel. L’île rejouerait-elle la fable de la grenouille et du bœuf ? Je regarde s'il existe une chaussée des bœufs dans le coin qui pourrait expliquer cette étrange dilatation. Mais non. Sur la côte nord de l'île, il y a une basse des Bretons qui répond à la basse du Grognon juste à côté, mais de bœuf, de buoc’h ou d’ejon, point. C’est sans doute encore un vilain tour de ces korrigans groisillons. Car je sais de quoi ces korrigans sont capables, je me souviens trop bien de leur attaque perfide à l'aller sur mon taud : alors je redouble de vigilance. Je scrute consciencieusement l'horizon. Et je fais bien, car soudain, je les vois. Quatre korrigans sur l'avant du tribord. Quatre qui attirent sournoisement le bateau. Je les imagine déjà aspirant Kalango (et moi aussi) dans leur petite gueule béante. La situation semble méchapper, ils se rapporchent, je vois déjà, comme dans le dicton, ma croix. Ils sont à quelques mètres et... et c'est avec un grand soulagement que je constate ma méprise. Ce que j'ai pris pour des korrigans, ce sont en réalité des dauphins qui nagent paisiblement. Je m'arrête près d’eux, et à tour de rôle, ils viennent saluer mon étrave; sous le soleil, leur ventre scintille façon boule à facettes, puis ils disparaissent. Ne subsistent alors de cette rencontre que ces ronds dans l'eau qui se perdent à leur tour à la surface.
C’est alors que je m'apprête à remettre les gaz, qu’apparaît sur tribord, juste à côté de moi, un étrange aileron qui sort de l'eau.
Immobile, il s'incline et se redresse lentement, comme s'il voulait me saluer façon bientôt feu reine d'Angleterre. Intrigué et méfiant tout de même, je regarde de plus près. Stupeur : juste sous la surface brille un énorme disque argenté et sombre, vertical, tout applati, surmonté de cette nageoire qui godille. Sur le bord du disque, un œil rond me fixe. Difficile de donner une taille à cette créature étrange, mais je dirais un bon gros mètre de circonférence. Le temps de me précipiter sur l'iPhone que je viens de reposer, le poisson-lune disparaît à son tour dans les profondeurs. Téléphone en main, j'attendrai qu'il réapparaisse, en vain : il ne reste dans l’eau que de petites méduses qui auraient dû être à son menu du soir. Je devrai me contenter de l'image de cette rencontre, inédite, à jamais dans ma mémoire.
Faut-il que je m’en souvienne
Grâce au poisson-lune, je tiens ce quatrième vers. Mais toujours pas le troisième. Alors je continue au cap 121, les yeux pleins de paillettes.
Quelle journée !
18 heures 40. J'arrive travers Pen Men. Je distingue assez bien, désormais, la côte sud de Groix. Si à l'aller la côte septentrionnale m'avait semblé sombre et lugubre, au contraire, en cette fin d’après-midi, la côte méridionnale de l'île accroche la lumière qui, aujourd’hui, a décidé de ne pas laisser sa part à l’ombre. Et c'est un délice pour les yeux que cette côte, défendue par une petite falaise sombre surmontée de collines qui captent cette lumière. Seule faille de ce système défensif, la baie de Port-Saint-Nicolas qui offre un modeste abri au milieu des cailloux, et qui apparaît comme un trait sombre. Très belle côte, de loin !
Je navigue à vingt-trois nœuds en songeant à cette merveilleuse journée. À cette allure, je ne me rends pas compte qu’il fait très chaud, si ce n’est que le vent a définitivement préféré se mettre à l’ombre. Il laisse ainsi une mer d’huile sur laquelle les quelques nuages se reflètent parfaitement. C’est beau, oui, mais cela ne présage rien de bon pour la suite : «
un calme sans haleine s’établit sur les flots qu’un dieu vient endormir ». C’est ainsi qu’Homère décrit l’arrivée d’Ulysse à proximité de l’île des Sirènes, et ce sentiment de naviguer depuis une éternité à proximité de Groix me gagne et m’inquiète. Si j’aperçois la pointe des Chats qui marque l’extrémité orientale de l’île, je suis à peine sur le travers de la pointe Saint-Nicolas; entre ces deux points s’avance la pointe de l’Enfer... Un coup d’oeil à ma montre indique pourtant que je progresse normalement. Et cette pointe de l’Enfer, franchement, quelle mauvaise coïncidence pour qui vient du paradis. Vingt-trois nœuds, cap 121, le sillage blanc s’étire derrière moi, imperturbable. Mais qui sait ce que l’avenir me réserve ? Cette île est maléfique...
J’aperçois loin devant moi sur bâbord la silhouette d’un canot de pêcheurs. Leur marche est erratique. Ils semblent bondir de poste en poste. Je suis trop loin d’eux pour savoir si c’est une stratégie payante, et d’ailleurs bien incapable de juger du bien fondé d’une sratégie de pêche.
Un fragment de ce qui fut un nuage s’est gentiment calé au bout du 121. Je le suis, aveuglément, ce qui me libère et me permet de regarder la mer. Elle est bleue, elle est lisse, et à part ce canot-bondisseur sur bâbord, la mer est déserte.
Les déserts sont des endroits visiblement faits pour dessiner. « S’il-te-plaît, dessine-moi un dauphin !». Ah non, c’est vrai, je n’ai plus de petits Princes depuis longtemps. « S’il-te-plaît, dessine-moi un bateau » ont dit ces dauphins qui viennent à ma rencontre sur bâbord. Encore des dauphins ! me direz-vous. Je ne me lasserai pas de vous dire combien c’est beau, combien c’est reposant. Le spectacle semble irréel, voire surnaturel. Et pourtant, je suis bien là, les dauphins qui accompagnent mon étrave sont bien réels : je suis le spectateur ébahi d’un tableau dans lequel je crois avoir été invité par hasard.
C’est toujours le même défilé devant l’étrave, la même chorégraphie, parfaite, la même nage ondulée qui m’accompagne, hypnotique... Puis soudain, une touche de grâce au milieu de toute cette magie. Ils sont deux. Deux en formation serrée. Ils s’éloignent sans jamais vraiment quitter la transparence des eaux, puis dans un large virage, ils reviennent vers moi et passent sous l’étrave. Ils passent collés-serrés. Mais ils ne sont pas deux, ils sont trois. Cette tache très claire juste au-dessus de sa mère, en retrait de l’aileron, c’est un delphineau simplement collé à sa mère et protégé par l’autre dauphin. À sa façon de nager, sans aucun mouvement, juste aspiré par le déplacement de sa mère, il doit être très jeune, vraisemblablement pas plus d’un mois. Alors, forcément, l’idée d’être peut-être le premier bateau qu’on lui présente, c’est une nouvelle pépite de bonheur dans cette journée extraordinaire... Il ne le sait pas encore, et ne le saura peut-être jamais, il s’appelle désormais, lui aussi, Kalango, ou plus exactement Kalanguinho, petit Kalango en Brésilien (qui est aussi, évidemment, le surnom de l’annexe).
Quelle journée fantastique !
Mais je dois déjà reprendre ma marche au 121, reprendre ma routine qui me fait passer successivement du compas au nuage, puis des paramètres moteurs à la veille de chacun des secteurs de l’horizon entrecoupés par un coup d’œil furtif au petit nuage : je trace cette belle et longue ligne droite sur l’océan, qui mériterait pourtant de virevolter pour traduire la légèreté qui m’habite.
D’ailleurs la pointe des Chats finit par disparaître à son tour. Je suis d’abord soulagé puis tout étonné d’avoir passé Groix sans encombre. Qu’ai-je fais de plus ou qu’ai-je fait de moins qu’à l’aller ? Comment expliquer avoir échappé aux malices des korrigans ?
Certains – et je les en remercie – feront remarquer qu’il est normal que les choses aillent mieux après une journée entière passée les doigts dans la résine à remettre Kalango en ordre. D’autres – ceux qui ne sont jamais venus dans cette contrée où a vécu le grand Merlin – penseront que ces histoires de korrigans ne servent qu’à effrayer les jeunes enfants. Mais si comme moi de longues études du latin vous ont initié aux secrets du monde, vous aurez compris – je ne l’ai compris que bien après ce voyage – qu’il ne peut sagir que de l’intervention de quelque divinité antique, opposant à la malice de ces korrigans barbares la magie blanche des dauphins, tout comme jadis les dauphins sauvèrent Télémaque de la noyade, ou comme ils transportèrent Appolon ériger son temple à Delphe, ou comme ils protégèrent Ulysse.
Ce second passage au large de Groix aura eu le mérite de m’inspirer le cinquième vers.
Faut-il que je m’en souvienne
Le soleil soufflait toujours après la tempête
Mais il me manque toujours le troisième ! Et j’y réfléchis, toujours en maintenant ce cap 121. Je passe finalement les Birvideaux à 19 heures 16. Comme Groix, cette tourelle qui m’avait parue sombre à l’aller n’est pas si austère que cela baignée dans la lumière d’un début de soir d’été. Sur bâbord, on distingue la côte sauvage de la presqu’île de Quiberon. Si jolie depuis la terre, je trouve que, depuis le large, elle pert un peu de son charme. Sans doute parce que j’en suis loin, sans doute parce qu’on voit surtout cette grande langue de lande qui part de Penthièvre, et que la partie rocheuse disparaît dans l’alignement. Pour la première fois depuis le départ de Bénodet, l’horizon est bouché aussi du côté tribord. La Pointe des Poulains marque le début de Belle-Île Pas grand monde sur l’eau.Tous à l’apéro ?
À suivre…